En cette période d’incertitude sanitaire, les spéculations vont bon train et certains professionnels du journalisme semblent ne plus prendre le temps de vérifier leurs sources. C’est ainsi que le Journal du Dimanche a saisi au vol l’opportunité d’un beau scoop : les fournisseurs français d’accès à internet seraient sur le point de prendre des mesures pour réduire le débit des services de divertissement les plus gourmands en débit ! Comment passer à côté d’une telle information au moment où on apprend que nos voisins italiens ont vu le débit du réseau de Telecom Italia augmenter de 70 % depuis le début du confinement ?
La capacité du réseau français
Mais chaque pays connaît des réalités socio-economico-politiques différentes et notre situation n’est pas comparable à celle de l’Italie, que ce soit en matière de gravité de l’épidémie, de confinement et de niveau de développement technologique de notre pays. En effet, le réseau français est taillé pour encaisser des peaks de connexion de plus de 30 TB /s alors que le débit moyen connu ces derniers jours est en moyenne de 14 TB /s. Nous disposons donc d’une bonne marge avant d’arriver à saturation.
La loi sur la neutralité du Net
À plus forte raison, le journaliste qui a diffusé l’information relative à la potentielle réduction des débits méconnait le droit français. Il existe en effet en France une loi dite “Loi sur la neutralité du Net” qui interdit aux différents opérateurs du réseau (FAI mais aussi opérateurs d’interconnexion) d’appliquer la moindre priorité aux flux de données qui transitent par leurs équipements. Il leur est donc juridiquement interdit de choisir de réduire les débits de Netflix ou de Fortnite comme cela a pu être lu chez certains de nos confrères. Mais les applications de visioconférence ou d’échange de fichier sont réellement moins gourmandes en débit que les services en ligne de divertissement les plus populaires. Un engorgement du réseau est donc peu probable.
Mais si des problèmes structurels devaient survenir sur le réseau internet en France, il sera toujours possible à l’État français de changer la loi temporairement ou durablement pour pouvoir réguler le débit généré par nos activités en ligne. Nul doute que la priorité sera alors données à l’activité économique du pays et non aux divertissements.
La rédaction de Netflix News serait alors une des rares organisations professionnelles à être lésée en France car l’utilisation de Netflix relève chez nous justement de l’exercice de notre activité professionnelle !!! Mais nous ne manquerions alors pas de continuer à vous tenir informé sur l’actualité de Netflix.
Organisation du réseau de Netflix en France
Quand Netflix s’installe dans un nouveau pays, il ne se limite pas à créer des statuts juridiques et à s’enregistrer auprès de l’administration fiscale, il installe aussi des serveurs sur le territoire national. C’est le fait de rapprocher ses équipements au plus près de ses abonnés qui lui permet de réduire les débits qui transitent sur le réseau, sur de longues distances. Les temps de chargement et la qualité de diffusion s’en trouvent alors considérablement améliorés. En s’installant en France, Netflix a justement déployé une infrastructure qui garantit au diffuseur de pouvoir servir sans difficultés l’ensemble de ses abonnés.
Il y a donc peu de chances que nous rencontrions des problèmes d’accès à Netflix dans les jours ou même les semaines à venir.
Netflix, c’était déjà 4669 points de présence dans le monde en 2016
Travailler plutôt que de se divertir ?
Mais après-tout. Si le gouvernement avait voulu nous envoyer un signal avec cette information erronée (mais celui-ci n’a aucune responsabilité dans cette affaire car c’est un journal qui est à l’origine de la diffusion de l’information) il aurait donc consisté à nous signaler que travailler depuis son domicile dans les semaines à venir ne consistait pas à passer sa journée devant Netflix ou Fortnite mais bel et bien à travailler. Et ce message de bon sens s’adresse autant aux salariés qu’aux élèves qui doivent eux aussi poursuivre leurs apprentissages.
Bref, ce non-événement médiatique aura donc été tout de même l’occasion de rappeler un point de droit autant que certains valeurs communes et de vous informer sur l’organisation technologique du réseau Internet !