Si vous lisez ces lignes, c’est que vous vivez bien en 2020, il serait donc étonnant que vous n’ayez jamais entendu parler des réseaux sociaux, à moins d’avoir passé les 20 dernières années sur mars ! Ces réseaux prennent un peu plus d’importance chaque années et, dans leurs pires dérives, ont apporté isolement, harcèlement et hypertrophie de l’ego. Il est plus difficile d’identifier précisément leurs bienfaits tant leurs déviances sont dangereuses pour les individus. Malgré tout, ils semblent avoir conduit certains pays arabes vers la démocratie ou encore favorisé la diffusion d’idées nouvelles comme les prises de conscience écologiques actuelles. Quoi qu’on en pense, les réseaux sociaux occupent une place centrale dans nos relations car ils en sont souvent l’intermédiaire ou du moins le facilitateur.
Netflix utilise massivement les réseaux pour favoriser la diffusion de ses programmes et acquérir de nouveaux abonnés. Mais c’est sous un angle tout autre qu’il s’attaque aujourd’hui à la question en organisant un jeu sous forme de télé-réalité avec pour thème ces fameux réseaux.
Une télé-réalité made in Netflix
Le Cercle est donc le nouveau jeu à succès de Netflix (rien à voir avec la chaine Youtube du même nom) qui n’en est pas à son coup d’essai en matière de télé-réalité après avoir produit Terrace House ou Queer Eye. Mais le sujet et la forme du jeu sont cette fois-ci pour le moins insolite. Le concept est simple : enfermer 4 candidats et 4 candidates dans des appartements mitoyens et les faire dialoguer via des écrans à commande vocale dont l’interface prend la forme d’un réseau social. Pour animer la partie, la production organise des jeux d’immunité et des cycles d’élimination, comme dans toute bonne télé-réalité qui se respecte. Nous noterons un certain manque d’originalité de ce point de vue-là.
Mais comme le jeu prend finalement la forme d’une expérimentation, comme on en connaît en sociologie ou en psychologie clinique, il prend un tout autre intérêt dès que les participants commencent à interagir les uns avec les autres et à dévoiler leur personnalité ainsi que leur vision des rapports sociaux.
Nous retrouvons, dès lors, les grands stéréotypes comportementaux qui traversent la société française. Les réactions de chacun face aux relations sociales qu’ils entretiennent dans le Cercle disant alors toujours quelque chose d’universel au sujet de nos personnalités et de notre intimité avec nous-même.
Là où la série marque un point en matière d’originalité, c’est qu’en imposant l’isolement à chacun des participants, elle leur permet d’être qui ils souhaitent sur le réseau. C’est une approche assez similaire à la réalité, où les membres d’un réseau social ne se connaissent “physiquement” qu’assez rarement. Chacun peut alors se fabriquer un personnage ou ne dévoiler que les aspects de leur personnalité souhaités. C’est donc un aspect amusant du jeu qui consiste à voir comment un personnage de superbe blonde est fabriqué et géré par un homme qui n’a vraiment rien à voir avec son personnage ! (pas de spoil là-dedans car la supercherie est dévoilée dès le début du premier épisode)
Mais la série est aussi par moment plus intime et malaisante quand la violence du jeu frappe de plein fouet les failles visibles de certains des joueurs. Comme dans la réalité des réseaux sociaux, certaines formes de harcèlement ou de préjugés blessent et peuvent amener à la disqualification. Si nous étions dans la réalité, nous pourrions associer l’échec au rejet par un groupe ou même à la mort du sujet concerné.
Le jeu n’est donc pas toujours drôle mais il ne faut certainement pas lui donner plus d’importance qu’il n’en a et lui laisser conserver sa valeur d’expérimentation tout au long des épisodes.
Les réseaux sociaux et la télé-réalité ont toujours fait bon ménage
Difficile de déterminer si les réseaux sociaux et la télé-réalité font bon ménage pour d’autres raisons que la superficialité qui les caractérise mais il s’agit de deux maux de notre siècle qui se marient bien. Vous pourrez trouver la critique dure et acerbe mais nous ne parvenons pas déterminer le parti-pris de Netflix face à cette production et il n’est pas certain qu’il souhaite en avoir un car montrer la vérité crue tel que cela est fait dans cette série relève plus de l’expérience scientifique que du réel divertissement.
Sous couvert de divertir, c’est bel et bien à une confrontation des réseaux sociaux (qui sont finalement une forme de télé-réalité à eux-seuls finalement) et de la télé-réalité à laquelle vous allez assister. C’est agréable à regarder et divertissant mais il faut s’efforcer de mettre de côté son esprit critique pour ne pas constater qu’il ressort de cette émission une dynamique problématique, à l’image de celle des réseaux sociaux réels. Netflix devait tout de même imaginer que chaque spectateur ne se forgerait un opinion au sujet de la dynamique relationnelle qui a cours sur les réseaux sociaux en regardant cette série. Bien qu’amusante, elle nous amène immanquablement à réfléchir.
Il s’agirait presque d’un travail de diffuseur militant, à l’image du choix qu’a fait Netflix en soutenant la production de Black Mirror à partir de 2015. Car on ne produit pas une telle série sans avoir la certitude d’avoir un impact marquant sur l’esprit du public. Il faut rappeler que cette série distopique a pour mission d’explorer les travers sociaux, économiques et politiques de notres société, engendrant certains épisodes qui confinent au glauque. Et nous pouvons vous confirmer que, toute proportion gardée, il en va de même pour le Cercle.
Un intéressant système de réseaux social commandé à la voix
Lorsqu’on produit une série tendance, il faut bien y intégrer les dernière technologies à la mode. Mais loin d’être des gadgets, l’utilisation d’un grand écran et de la commande vocale semblent particulièrement efficaces. L’interface est suffisamment bien réalisée pour qu’on se demande même, par moment, si elle n’est pas artificielle, animée par un opérateur qui reproduit sur l’écran les consignes demandées à la commande vocale. Eh bien c’est le cas !!!
Quelle ne fût pas notre surprise de constater, en faisant quelques recherches sur internet qu’un opérateur tapant assez vite était chargé de retranscrire les textes dictés à une interface de reconnaissance vocale qui ne s’est pas avérée assez efficace ! Mais au delà de l’éventuel sensationalisme que représente la nouvelle, il faut considérer que le verni technologique est tout à fait secondaire face au projet d’expérimentation sociale que représente l’émission. En effet, écrans ou non, commande vocale ou pas, c’est le principe du réseaux social qui est discuté dans ce programme et pas les gadget qui l’entourent. Il n’a absolument pas besoin de cela pour fonctionner.
Superficialité à la française
Les candidats français recrutés pour participer à la série sont touchants et profondément humains, difficilement d’imaginer dans quelle proportion ils ont fabriqué leurs personnages et ont été aidé par la production pour cela. Ils semblent assez représentatifs de la population française, même s’il y a une sur représentation de la tranche d’âge 20-25 ans. Mais c’est certainement un fait normal dans la mesure où il s’agit de la tranche d’âge la plus représentée aujourd’hui sur les réseaux.
Les candidats sont attachants mais pour la plupart superficiels. Ils se plongent dans leur ego, tel que les réseaux sociaux l’attendent de bons petits soldats conformés.
Et si nous effectuons une rapide comparaison avec d’autres programmes de télé-réalité proposés par Netflix, comme Terrace House, nous ne pouvons que confirmer la superficialité des candidats et la faiblesse de leurs aptitudes sociales. Ils semblent plus participer à un jeu où tous les coups sont permis pour gagner plutôt que d’avoir la volonté d’entrer en relation sainement, tel que l’approche traditionnelle de la socialisation dans nos sociétés modernes pourrait l’attendre d’eux.
La récompense de 100 000 euros pour le gagnant du jeu explique certainement une telle combativité comme les candidats se plaisent à le rappeler, pour justifier leur absence d’empathie.
On assiste ainsi, dès la fin du premier épisode, à un lynchage à la française où l’humanité n’est plus de mise. Cette situation est à opposer systématiquement à la courtoisie et à la modération qui sont de mise dans Terrace House. Il semble que chez les japonais, le respect soit un préalable à l’entrée en relation, Le cercle nous laisserait pense que ce n’est pas le cas en France.
Vous constaterez donc le caractère quelque peu caricatural de la série. Mais rien ne vous empêche de la regarder, une fois avertis qu’il ne s’agit pas de la réalité mais bien de la fiction que l’on veut nous donner à voir !
Regarder le Cercle sur Netflix